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📒 À mon tour, je vous conte mon BRM...

Oyez, Oyez Cyclotes et Cyclos... lisez si vous le voulez bien !

Préambule que vous pouvez zapper en allant directement au paragraphe suivant !


Il y a bien longtemps, lorsque je me suis lancé dans de longues chevauchées cyclistes, un ultra cycliste aguerri m'a conseillé : quand tu te présentes sur la ligne de départ d'une épreuve longue distance, tu dois avoir déjà parcouru 10 fois la distance de l'épreuve tout en respectant le même ratio dénivelé / distance.

Donc, pour ce BRM de 200 km avec 2300 mètres de dénivelé positif, mes statistiques devaient annoncer, à la date du 05 avril, 2000 km pour 23000 mètres de d+. Sauf qu'une fois rentré à la maison en consultant mon Strava, je découvre ma distance parcourue depuis le début de cette saison 2025 : 721 km ! C'est à dire que samedi matin au départ du BRM, je n'avais que 511 km au compteur !

Eh oui, la saison cycliste 2024 ne s'est pas bien terminée et la saison 2025 n'a jamais réellement démarrée à cause de soucis de santé récurrents consécutifs à une leucémie certes vaincue. Aussi, je mettais préparé à l'idée de ne plus partir sur de longues distances, de me contenter de tourner en rond autour de la maison sur des distances maximum de 80 km avec peu de dénivelé.

Inscrit, quand même, au BRM 200 dès janvier pour me fixer un objectif motivant, l'envie de me présenter sur la ligne de départ disparaissait totalement avec le temps. Et soudainement, une petite semaine avant le 05 avril, l'envie me confronter à ces 200 km m'a titillée et l'envie de rouler avec des copains m'a convaincu d'enfourcher mon Pégase, vélo titanesque, toujours prêt pour de longues aventures.

Je terminerai cette longue introduction, très personnelle, en évoquant mon court passé de cycliste adepte des longues distances. C'était dans une autre vie où mon expérience d'ultra débute en 2007 sur un BRM organisé par le club de Tresserve et se termine en août 2011 par une participation au Paris Brest Paris homologuée. Entre les deux, ce sont des challenges personnels (Route des Grandes Alpes en 6 jours, Annecy-Brest en 7 jours, les 3 faces du Mont Ventoux sur une journée...), participation à deux BRA, une réussite au Raid Provence Extrême 2009, un abandon au Raid Provence Extrême 2010, une succession de BRM pour me préparer au Paris Brest Paris. Et puis, tout s'arrête en 2011. Une nouvelle vie professionnelle très prenante pendant 12 années qui se termine du jour au lendemain pour ma plus grande épreuve : vaincre une sournoise maladie pour vivre le plus longtemps possible et continuer à faire du vélo comme m'avait annoncé l'hématologue.

 

Vendredi 04 Avril après-midi

 

Je prépare Pégase pour le lendemain. Vérification du positionnement. Graissage. Charge des batteries AXS . Gonflage des pneus qui équipent les vieilles roues Fulcrum Zéro. Fixation de la sacoche avant. Mise en place des feux. Je choisis ma tenue que j'espère adaptée à la météo et enfin je conditionne mes victuailles du lendemain. Je n'oublie pas de télécharger la trace sur le GPS. Je consulte vaguement le parcours. Si j'ai trop faim, je prélèverai sur le territoire une ou deux vaches ou alors quelques moutons. Tout cela s'effectue avec calme pour me préparer à passer, j'espère, une bonne nuit de sommeil.

 

Samedi 05 Avril 07h30

 

Christophe donne le top départ pour la première vague. J'ouvre la route mais très vite, les cyclistes plus pressés prennent le large. C'est tant mieux, ça évite un gros troupeau sur la route départementale. Valex et Florian, deux sympathiques et discrets ultra cyclistes adeptes de très grandes distances, m'accompagnent et c'est vraiment rassurant. Mes collègues du Nivolas Cyclo Alexis, Jean-François, Patrick et Philippe, néophytes en BRM, sont aussi dans ce premier groupe.

 

Alors que nous grimpons régulièrement en direction de la Porte des Bonnevaux, je me dis que le rythme est plutôt soutenu. Je doute de moi, craignant une panne subite dans les prochains kilomètres mais en même temps, je ne suis pas si mal. Je m'inquiète pour Alexis, Patrick et Jean-François. Pas pour Philippe qui vient de doubler à grande vitesse. Je ne l'ai jamais revu. D'ailleurs, je ne sais même pas s'il est arrivé !

Valex a un bon rythme mais il me rassure «si ça va trop vite, tu dis ». Florian pédale tranquille à mes cotés. Maintenant, j'ai perdu Alexis, Patrick et Jean-François.

Lorsqu'on bascule sur Commelle, soudainement, un Alexis « déchaîné » se lance dans la pente. Pilotage remarquable. Nous suivons plus tranquillement pour arriver dans la Plaine de la Bièvre qui est vite traversée malgré un arrêt pipi et pour enlever une couche puisqu'il fait déjà chaud. Un grand nombre de cyclistes passe. Nous les regardons passer.

 

Et puis, ce sont les Chambarans avec Thodure, puis Hauterives sur Galaure, pays du Facteur Cheval et enfin La Motte de Galaure, premier contrôle de ce BRM où il faut répondre à une question qui ne rapporte rien si c'est dire qu'on est passé par ici. Un groupe de cyclos assaille la boulangerie. Il paraît qu' Alexis et Patrick y sont, le premier dégustant un éclair au chocolat, le second un sandwich au fromage. Avec mes compagnons, nous préférons stationner en face de la boulange pour une courte pause : manger quelque chose et enlever encore une couche.

 

Nous sommes à peine repartis qu'Alexis, tel un éclair, nous redouble toujours en excès de vitesse si bien qu'il rate une bifurcation (je suppose qu'il ne le sait même pas). Une chance, la route le ramene la où il devait être ! Nous continuons donc notre périple à travers de belles petites routes jusqu'au moment où le pneu arrière du vélo de Valex, qui ne manque jamais d'air, se dégonfle totalement. Heureusement,Valex est un excellent mécanicien et c'est vite réparé. De nombreux cyclistes en profitent pour nous dépasser y compris Patrick et Jean-François. Nous ne les verrons plus mais je ne peux pas l'affirmer parce que j'ai décidé de me déconnecter. Pas penser vélo, pas penser BRM, pas penser kilomètres, pas penser parcours. Penser à rien. Je ne sais pas combien de km nous avons parcourus, je ne sais pas combien de km il reste, je ne sais pas où je suis. J'obéis au GPS qui m'inquiète quand il m'annonce des montées. A regarder les profils, ce n'est pas un vélo qu'il me faut mais des cordes d'escalade ! Pourtant, nous évoluons dans un pays plutôt (faux) plat.

 

Après Chateauneuf sur Isère, nous nous arrêtons pour prendre des nouvelles du pauvre cycliste qui vient de faire une mauvaise chute. Heureusement son casque a bien protégé la tête mais il est littéralement assommé et ses collègues suspectent des fractures. Il est aujourd’hui tiré d'affaire certes bien amoché quand même. Je lui souhaite du courage et un prompt rétablissement.

Nous poursuivons en direction d'Alixan puis Barbières par un long et pénible faux-plat montant qui use les organismes. Trois jeunes et affutées Grenobloises nous doublent pressées d'aller à l'unique boulangerie de Barbiéres qui ferme à 13h00 ! D'ailleurs tout est fermé à Barbières même les toilettes municipales sauf un robinet qui permet de remplir les bidons. Heureusement !

 

Maintenant, nous roulons en direction de Saint Nazaire en Royans. C'est un profil pas trop difficile. Je suis pas trop mal physiquement et dans ma tête. Je pense quand même : je viens de faire 100 environ, donc, il reste 100. Et 100, c'est deux fois 50 et 50, c'est deux fois 25, donc l'arrivée est proche. Pensées rassurantes et motivantes. Mais quand on sort de Saint Saint-Nazaire et que nous tournons à droite en direction de Pont en Royans, je ressens un coup de moins bien. J'avance pas, j'ai mal au cul. Mes compagnons sont attentifs et sans rien dire, ils me motivent un devant, un derrière. Je suis le mouvement. Ces routes, je les connais par cœur pour les avoir emprunter maintes fois au volant de mon bel autocar. Il fallait toujours y être attentif. Je ne me sens pas en sécurité tant que nous avons pas bifurqué pour Saint André en Royans, village dans une magnifique campagne, où on va nous poser la question « y a écrit quoi sous le panneau d'entrée de la commune ? ». La réponse A bien sûr. Mais pour arriver à Saint André en Royans, ça monte, ça monte et je mouline, je mouline, les jambes n'en peuvent plus. Je gamberge, on doit être au kilomètre 130, encore 70 pour Nivolas. 70, c'est rien mais pour aller la bas, il y a des montées et le Col de Toutes Aures ! Ne pas gamberger, ne pas penser, se mettre en mode ECO, débrancher le cerveau et pédaler. J'ai quand même des échanges avec mes collègues, on parle de tout et de tout. Mon cerveau est occupé et je pense moins aux douleurs qui apparaissent. Et puis, je vois bien que Valex aussi est un peu moins bien sur son vélo. Quoique ! Soudainement, il s'en va vite rattraper une cycliste alors que nous montons vers Saint Marcellin. Florian, aucun signe de fatigue ! Impressionnant ! Il pourrait aller beaucoup plus vite. Mais non, il accompagne tranquillement avec le sourire. Il profite pleinement du moment.

 

Petit à petit, on arrive vers Varacieux. Valex et Florian disent que le Col de Toutes Aures est tout proche. Je ne suis pas du même avis. Je m'inquiète. Et pourtant, je grimpe tranquille sans trop souffrir. Ce n'est pas le Galibier ou la Madeleine. Question secrète au sujet d'une croix qui brave les orages et on traverse la route pour aller boire une limonade à l'auberge tenue par une gentille petite dame (depuis 53 ans dit Patrick dans son compte rendu). Je suis content parce que ça va descendre dans la même plaine de la Bièvre mais je devine qu'il va falloir remonter quelque part pour atteindre Nivolas Vermelle. Cette plaine me paraît interminable. Vivement La Frette.

 

Il me semble avoir un regain d’énergie. Je suis comme le cheval qui sent l'écurie. Je veux en finir de ce BRM. Il reste une trentaine de km et Nivolas me semble au bout du monde. Allez, on fonce. Et hop le Grand Lemps, et hop Bizonnes. Enfin Doissin et ça va descendre jusqu'à Saint Victor de Cessieu. Il reste les coups de cul de Serezin. Bizarrement, j'ai moins mal aux cuisses.

 

Samedi 05 Avril à « je ne sais pas quelle heure » mais dans les temps !

 

C'est enfin l'arrivée où je retrouve, avec joie, les Nivolas Cyclo. Alexis et Patrick sont arrivés, il y a un petit moment. Jean-François est rentré directement chez lui pour s’économiser.

 

Les 210 km ne m'ont pas paru une éternité. C'est un peu comme si j’avais dormi tout le chemin, ne voyant pas le temps et les kilomètres passer ! Seules mes fesses se souviennent encore de l'épreuve. Certes, j'étais fatigué mais bien loin de l'agonie que j'imaginais. Alors moi content !

Je dois cette réussite à Valex et à Florian. Sans eux, l'aurais-je terminé ce BRM ? Je ne sais pas !

 

Alors merci Valex, Merci Florian pour ce beau moment passé ensemble.

 

Merci à mes collègues et amies et amis du Nivolas Cyclo. Ensemble, Toujours !

 

 

Illustration photographique : Paris Brest Paris 2011 - Qui se reconnait ?

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MORIN Michel